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Manitoba : le camionnage sous la loupe du Winnipeg Sun

  • Photo du rédacteur: La Rédaction
    La Rédaction
  • 21 sept.
  • 6 min de lecture
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Dans une récente chronique du Winnipeg Sun, Kevin Klein dresse un portrait troublant de l’industrie du camionnage au Manitoba. Selon des vétérans du secteur, un système organisé de fraude fiscale, de mauvaise classification des chauffeurs et d’abus liés à l’immigration alimente une véritable économie souterraine.


Le programme fédéral d’EIMT (LMIA) serait largement détourné pour recruter des travailleurs étrangers vulnérables, parfois forcés de payer jusqu’à 40 000 $ pour un permis fermé. Ces chauffeurs se retrouvent sous-payés — parfois à peine 7 ¢ le mille — et logés dans des conditions précaires. « C’est de l’esclavage moderne », affirme un dirigeant.


En plus de l’exploitation, des inquiétudes majeures concernent la sécurité publique : permis douteux, formation minimale et compagnies assurées malgré de graves lacunes. Kevin Klein rapporte que certains exécutifs parlent d’une véritable entreprise criminelle. Ils appellent à une action ferme des autorités pour rétablir l’équité et protéger la sécurité des routes canadiennes.


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Voici l’intégralité de l’article traduit en français:


Crime organisé présumé dans l’industrie du camionnage lié aux abus de main-d’œuvre et d’immigration


Kevin Klein dans le Winnipeg Sun


Un portrait troublant émerge au sein de l’industrie du camionnage au Manitoba, où des vétérans du secteur allèguent l’existence d’un réseau sophistiqué de mauvaise classification de la main-d’œuvre, d’abus en matière d’immigration et d’évasion fiscale qui alimente une économie souterraine. Selon ceux qui s’expriment, ces stratagèmes ne sont pas de simples erreurs ou astuces comptables, mais bien des systèmes organisés conçus pour détourner des millions des coffres publics, exploiter des travailleurs vulnérables et mettre sur les routes des conducteurs non sécuritaires.


La pratique commence par la façon dont les chauffeurs sont classifiés. En vertu de la loi fédérale, les employés qui conduisent des camions appartenant à l’entreprise doivent être considérés comme des salariés, mais des sources affirment que plusieurs sont volontairement requalifiés comme entrepreneurs indépendants. Cette tactique permet aux entreprises d’éviter de payer les cotisations au Régime de pensions du Canada, à l’assurance-emploi et à l’indemnisation des travailleurs. L’avantage financier est considérable, certains initiés estimant que les compagnies économisent jusqu’à 30 % en coûts de main-d’œuvre. Un dirigeant l’a dit sans détour : « C’est tout un stratagème. »


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L’ampleur du problème a déjà été mesurée. La Commission des accidents du travail du Manitoba a examiné des dizaines d’entreprises sur une période de trois ans et a identifié plus de 165 millions de dollars en salaires qui n’avaient pas été déclarés. Cette somme représente de l’argent jamais imposé et jamais assujetti aux retenues obligatoires. Selon un initié, il s’agissait d’« argent versé au noir à des sous-traitants illégaux ».


La manipulation financière ne s’arrête pas là. Des dirigeants décrivent une exploitation généralisée du programme fédéral d’Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT/LMIA), conçu à l’origine pour combler de véritables pénuries de main-d’œuvre. On allègue que des chauffeurs sont recrutés à l’étranger et contraints de payer jusqu’à 40 000 $ pour obtenir un permis de travail fermé. Certains transporteurs feraient venir plus de 100 chauffeurs par année selon ce procédé, ce qui représenterait des millions en argent non imposé. Pour éviter d’être détectées, une grande partie de ces sommes entrerait au Canada sous forme de bijoux ou d’or.


Un élément central du problème réside dans le programme fédéral d’EIMT. En théorie, l’EIMT est un document délivré par le gouvernement qui autorise une entreprise à embaucher un travailleur étranger temporaire lorsqu’aucun Canadien qualifié n’est disponible. Ces permis sont fermés, ce qui empêche le travailleur de changer d’employeur. En pratique, des initiés affirment que le programme est devenu un aimant à fraude et à abus, bien éloigné de son objectif initial. Plutôt que de combler de véritables besoins, l’EIMT aurait été transformée en modèle d’affaires pour recruter des travailleurs vulnérables tout en évinçant la main-d’œuvre canadienne. Même certains critiques favorables aux exemptions agricoles saisonnières décrivent ce programme comme un échec de politique publique qui favorise la corruption et les abus.


Une fois arrivés ici, la réalité des chauffeurs diffère grandement des promesses. Des témoignages évoquent jusqu’à vingt hommes tassés dans une même maison, payés une fraction du taux habituel. Alors que la plupart des conducteurs manitobains gagnent entre 0,55 $ et 0,65 $ le mille, certains de ces nouveaux arrivants ne reçoivent que 0,07 $ à 0,21 $, ce qui peut se traduire par à peine 7 $ de l’heure lors de longs trajets. Des déductions illégales pour la nourriture et le logement réduisent encore davantage leur salaire. Les mots utilisés dans le milieu sont durs : « C’est de l’esclavage moderne », a dit un dirigeant.


Ces pratiques soulèvent inévitablement des inquiétudes en matière de sécurité. Plusieurs de ces chauffeurs auraient seulement la formation minimale requise sur papier, sans véritable accompagnement avant d’être envoyés sur de longs trajets. Des cas évoquent des permis délivrés ou transférés de façon douteuse entre provinces, voire des conducteurs interceptés avec de simples photocopies de permis appartenant à d’autres. Pour les initiés, ce n’est pas seulement une question économique, mais une menace directe pour la sécurité publique.


La Société d’assurance publique du Manitoba (MPI) est aussi critiquée. Des insiders soutiennent que MPI a assuré des transporteurs sans vérification adéquate, permettant à des opérateurs douteux de rester sur la route. Depuis cinq ans, la division camionnage de MPI enregistrerait des pertes d’environ 30 millions de dollars par année, alors qu’elle était auparavant rentable. Pour compenser, les transporteurs respectueux de la loi voient leurs primes augmenter. « Ils ont permis aux mauvais acteurs de prospérer, puis ont haussé les primes pour le reste d’entre nous », a dénoncé un transporteur.


Le rôle du gouvernement fédéral dans la surabondance de main-d’œuvre est aussi remis en question. Les données industrielles indiquaient que le Manitoba avait besoin d’environ 820 nouveaux chauffeurs en 2024, mais plus de 1 000 sont arrivés par le biais du programme EIMT seulement — sans compter d’autres voies d’immigration comme le Programme des candidats des provinces. Des leaders du secteur affirment que ces projections sont erronées et facilement manipulées.


La pression exercée par les grands expéditeurs aggrave la situation. Selon des dirigeants, l’obsession de réduire les coûts pousse les compagnies vers les transporteurs les moins chers, peu importe la légalité de leurs pratiques. Certains transporteurs ont tenté de réagir, refusant les sous-traitants douteux et sensibilisant les clients aux abus de la chaîne d’approvisionnement. Parfois, ces efforts ont porté fruit, mais souvent, affirment les initiés, les expéditeurs ferment les yeux.


Ceux qui connaissent bien le problème disent que la réponse des autorités est fragmentée et lente. L’Agence du revenu du Canada, Emploi et Développement social Canada et Immigration Canada ont tous mené des vérifications, mais l’ampleur de ces enquêtes serait minime comparée à la taille des stratagèmes. Les demandes d’accès à l’information liées au Programme des candidats des provinces peuvent prendre des mois, souvent avec des noms caviardés, ce qui laisse une grande partie du problème invisible au public. Pendant ce temps, l’économie souterraine prend de l’ampleur.


Les dirigeants de l’industrie ne mâchent pas leurs mots. « Si nous étions aux États-Unis, ce serait une affaire de racket », a dit l’un d’eux. « C’est une entreprise criminelle, pas de la négligence administrative. » Selon eux, ce qui peut sembler de l’évitement fiscal est en réalité du crime organisé : fraude à l’immigration, exploitation humaine, blanchiment d’argent et volonté délibérée de contourner la loi.


En même temps, ils mettent en garde contre la stigmatisation de tous les transporteurs ou de tous les nouveaux Canadiens du secteur. De nombreuses entreprises respectent la loi, et beaucoup de travailleurs immigrés sont des victimes plutôt que des complices. Mais ils insistent : les décideurs et le public ne peuvent plus ignorer les preuves qui s’accumulent. « Le fret circulera toujours », a dit un transporteur. « La question est de savoir s’il circule légalement et en toute sécurité. »


Les allégations présentées proviennent d’entretiens avec plusieurs dirigeants et acteurs du milieu, ainsi que de rapports d’autorités en indemnisation des travailleurs. Le Winnipeg Sun n’a pas pu vérifier de manière indépendante toutes les affirmations, mais a confirmé que des enquêtes visant plusieurs transporteurs sont en cours. Une entreprise, non nommée pour l’instant, serait au cœur de multiples audits liés à la conformité en matière de travail, de fiscalité et d’immigration.


Selon les insiders, ce n’est que le début. Leur avertissement est clair : sans action décisive, les incitatifs à l’exploitation resteront bien présents. « En ce moment, les calculs récompensent l’illégalité. Ce n’est pas un terrain de jeu équitable — et ce n’est pas sécuritaire », a dit un dirigeant.


Le Winnipeg Sun poursuivra son enquête sur ce dossier sérieux, afin de révéler l’abus du système d’immigration canadien, l’évasion fiscale alléguée qui prive les contribuables de milliards, et des pratiques qui s’apparentent à de l’esclavage moderne. Ce n’est pas une histoire qui se termine ici — c’est une affaire qui exige des comptes, et nous entendons la suivre où que les preuves mènent.


👉 Pour consulter la carte de l’utilisation du programme EIMT et une estimation du nombre de travailleurs concernés : www.lmiamap.org.



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